Contexte
D’après l’Agence Française de Développement (AFD), plus de 90% de la population malagasy vit avec moins de 2 dollars par jour, soit un des revenus les plus bas au monde.
Le pays est fréquemment soumis à des aléas climatiques et à des crises sanitaires. En zone rurale, les enfants des hautes terres sont particulièrement touchés par un retard de croissance associé à une malnutrition (47% des moins de 5 ans). Le sud de l’île est en proie à la pire sécheresse depuis des décennies, entraînant une crise nutritionnelle. D’après l’UNICEF, 14 000 personnes vivent dans des conditions extrêmes d’insécurité alimentaire. 500 000 enfants de moins de cinq ans souffriront de malnutrition d’ici avril 2022, dont 110 000 de malnutrition aigüe sévère. Par ailleurs, le manque de ressources de l’Etat, les difficultés économiques des familles et les troubles politiques n’ont pas permis de maintenir un système éducatif performant.
À Madagascar, les fermetures d’écoles liées à COVID-19 entre avril et août 2020 ont perturbé l’apprentissage de 7 millions d’enfants malgaches. Les perturbations de l’apprentissage devraient augmenter la part des enfants qui sont hors de l’école. Avant COVID-19, 24 % des enfants en âge de fréquenter l’école primaire et 73 % des enfants en âge de fréquenter le collège n’étaient pas scolarisés selon l’UNICEF, et il existe une grande disparité entre les régions. Cette situation, qui tend à se dégrader, accentue aussi le phénomène des enfants en situation de rue et les risques auxquels ils s’exposent. Les enfants sont de façon générale la cible de maltraitance et d’abus (mariage et travail infantile, sévices physiques). D’après l’UNICEF, près d’un quart des enfants entre 5 et 17 ans a une activité économique (y compris la prostitution), 41,2% des 20-24 ans déclarent avoir été mariés avant 18 ans et près de 9 jeunes sur 10 déclarent avoir été victimes de châtiment corporel au sein de leur famille.
Enfin, selon l’ONG Grandir dignement, près de 850 mineurs sont incarcérés dans le pays et un tiers d’entre eux n’est pas séparé des adultes détenus, ce qui engendre de nombreux abus sexuels et des violences physiques.
Synthèse
Intervenant à Madagascar depuis 2000, Clowns Sans Frontières a travaillé dans un premier temps sur les thématiques des enfants en situation de rue et du « tabou des jumeaux » en proposant d’incorporer sa démarche artistique à des actions de sensibilisation. Plusieurs missions annuelles ont permis de construire des partenariats solides notamment avec le groupe de musique traditionnelle Telofangady et MAD’AIDS, réseau national de lutte contre le VIH.
Pour consolider sa démarche auprès des mineurs les plus vulnérables (population à risque face au VIH, enfants vivant dans la rue, etc.) et les accompagner dans leur développement personnel, CSF a développé un nouvel outil (cf. ci-dessous) appelé la méthode Tantara (« raconte » en malgache), basé sur le jeu, les chants et le dessin pour parler, de manière détournée, des craintes liées à la maladie ou à la précarité, et des moyens pour y répondre.
A partir de 2019 et pour une durée de 3 ans, les interventions s’adressent davantage aux mineurs en situation de privation de liberté, notamment en partenariat avec Sentinelles et Grandir dignement, deux associations présentes dans les centres de détention à Madagascar.
En 2019, l’équipe artistique composée de quatre comédiens français et du trio de musique malagasy les Telofangady est intervenue à Antananarivo, Antsirabe et Toamasina auprès de 6 741 personnes, dont 2 494 enfants (mineurs en situation de privation de liberté, en situation de handicap ou pris en charge par des organisations de protection de l’enfance). Cette nouvelle intervention a permis de renforcer les relations avec les partenariats locaux. En plus des 15 représentations du spectacle, les artistes ont également réalisé un atelier avec des éducateurs de l’organisation partenaire SOS Villages d’enfants.
En raison de la pandémie de Covid19, la mission initialement prévue en 2020 a été reportée à l’année 2021.
Du 28 novembre au 12 décembre 2021, Clowns Sans Frontières et les musiciens malagasy du groupe Telofangady ont organisé le premier volet d’un nouveau projet à Madagascar. Cependant, celui-ci a dû être adapté au contexte de la crise sanitaire : les artistes de CSF n’ont pas pu se rendre sur place et, pour la première fois, les Telofangady et la coordinatrice locale, Isabelle Marie, ont mené la tournée en autonomie, étant soutenus à distance pour les responsables artistique et logistique de CSF restés en France qui ont pu aider à préparer le projet par téléphone et visioconférences.
Cette année encore, la tournée a été menée en partenariat avec le réseau MAD’AIDS, les structures locales d’accompagnement des personnes en situation de précarité, ainsi que la Direction de l’Humanisation de la Détention et de la Préparation à la Réinsertion Sociale du Ministère de la justice. Il est également soutenu par le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France à Madagascar.
Les artistes ont offert 16 représentations dans les localités d’Antsirabe, d’Ambositra, de Fianarantsoa et d’Antananarivo accueillies par des associations et ONG locales ainsi que par les établissements pénitentiaires de chacune de ces villes. Au total, près de 4900 personnes vulnérables (enfants, jeunes et adultes confondus) et 80 travailleurs sociaux ont assisté au spectacle.
« Les responsables des centres et les enfants ont reconnu qu’ils étaient stressés par la crise
sanitaire. Ils ont apprécié que nos chansons permettent l’expression des émotions (Matahotra = peur) et qu’on les accompagne pour voir ce que tout cela peut apporter de
positif .»Témoignage d’Isabelle Marie, coordinatrice logistique à Madagascar
Les artistes ont également invité les enfants à co-créer une chanson permettant de les sensibiliser à la force de la fraternité et à l’importance de la solidarité malgache. La musique est devenue un vecteur pour exprimer et partager des émotions, en valorisant les positives et en s’autorisant à extérioriser les plus négatives, dans un cadre sécurisé dans lequel chacun s’est senti écouté. Elle a permis également de redonner espoir en créant un moment hors du temps et de partage par la communion des voix, et ainsi redonner de la force pour continuer à avancer malgré les difficultés
Traduction de la chanson : FIHAVANANA / FRATERNITE
Texte :Telofangady
Traduction en français : Christian Andrianjanaka
Refrain : Est-ce que tu m’aimes
Est-ce que tu m’aimes
Alors si tu m’aimes
Mets les mains en l’air
Pour la fraternité
Couplet 1 : tous les matins
On se réveille avec joie
Car on est tellement heureux
Et comblé de bonheur
Couplet 2 : toi et moi, nous tous
Nous ne faisons qu’un
Qu’importe les problèmes
Nous restons unis
Couplet 3 : nous les enfants
Nous n’avons peur de rien
Et quoi qu’il en soit
Restons courageux
« Nous ressentons beaucoup de gratitude de la part de nos différents publics d’être venus
jusqu’à eux. Et on a parfois du mal à nous arrêter et à partir à la fin du spectacle tellement les
temps de chant et de danse sont chargés en émotions pour tous .»Témoignage de Christian, artiste du groupe Telofangady
Un deuxième volet est prévu du 15 novembre au 2 décembre 2022, durant lequel les artistes de CSF se rendront sur place pour créer un spectacle avec les musiciens de Telofangady. Ils interviendront conjointement auprès des enfants en situation de vulnérabilité et de privation de liberté dans plusieurs villes du pays.
Nos partenaires
Partenaires actuels : Le réseau Sahaza, le ministère de la justice, l’association Enfants du Soleil, village de lépreux / Centre Marana, le centre Don Bosco (avec Karenjy), le centre Vozama, ONG Manda, Graine de Bitume, association pour les personnes en situation de handicap à Université Ankatso, Centre Avoko, Centre Nouveau Relais des Jeunes, Grandir Dignement, ECPAT, Malagasy Tour, Telofangady, Réseau MAD’AIDS, Ministère de la Justice de Madagascar, Fondation Pierre Bellon, Fondation Insolite Bâtisseur, Mairie de Paris, Grandir ailleurs, Sentinelles, SOS villages d’enfants,
Partenaires financiers : Fondation Pierre Bellon, Institut français / Ville de Paris, SCAC de l’Ambassade de France à Madagascar.
Partenaires antérieurs : Adami, Fondation Alta Mane, Fondation Air France, Fondation Veolia, Fondation BNP-Paribas, Institut français, Action Contre la Faim, Don Bosco, Manaode, Bel Avenir, Entraide Enfance Madagascar, Handicap International, La Route des Épices, Zebu Overseas Board, Manda, l’Aléa des possibles.
Depuis 2000 – 19 missions :
Formes d’intervention :
- Ateliers d’expression pour les enfants
- Création commune avec des artistes locaux
- Spectacles
Axes d’intervention :
- Soutien psychosocial aux enfants vulnérables et aux mineurs en situation de privation de liberté
- Prévention contre le VIH
- Sensibilisation des acteurs sociaux et de protection de l’enfance locaux à l’action artistique
Publics :
- Enfants en situation de rues
- Mineurs dans des lieux de privation de liberté
- Enfants en situation de risque face aux maladies sexuellement transmissibles (drogues, déscolarisation, exploitation sexuelle, délinquance)
- Éducateurs et travailleurs sociaux
- Partenaires locaux