Témoignages

Témoignage de Julien Dondenne, ancien coordinateur de PUI en Palestine

Julien Dondenne, coordinateur terrain en Palestine pour Première Urgence Internationale (PUI) lors de la mission de Clowns Sans Frontières du 22 avril au 4 mai 2018, donne un précieux témoignage. Il nous aide à comprendre un contexte difficile et l'apport de l'action de Clowns Sans Frontières.

  • Julien Dondenne

    ancien coordinateur terrain de PUI en Palestine

En quelques mots, pouvez-vous nous décrire la situation (humanitaire, culturelle) dans les territoires palestiniens et le travail réalisé avec Première Urgence Internationale (PUI) sur place ?

Les Territoires Palestiniens Occupés font face à une crise prolongée avec des conséquences humanitaires importantes, résultant du non-respect du droit international humanitaire par Israël en tant que puissance occupante. Les violations systématiques des droits sont à l’origine de graves menaces pour la protection des populations et de vulnérabilités humanitaires chroniques dans les communautés palestiniennes.

L’actuel environnement coercitif sous-tendu par le phénomène d’expansion des colonies limite l’espace physique et social des palestiniens aux zones confinées délimitées par Israël. Une des conséquences majeures est le transfert forcé des populations au travers des expulsions forcées, comme le récent cas de Khan al Akhmar, la confiscation et la destruction de biens, l’entrave à l’aide humanitaire, l’expropriation de terres mais aussi les nombreuses restrictions de circulation et d’accès, la violence des colons et les opérations militaires répétitives. Ces politiques et pratiques rendent les communautés palestiniennes de plus en plus inhabitables en empêchant leur développement (économique, culturel) et le maintien des moyens de subsistance de la communauté.

Première Urgence Internationale (PUI) est présente dans les Territoires palestiniens depuis 2002 et intervient en Cisjordanie dans les secteurs de la protection et de la sécurité alimentaire & des moyens de subsistance. Au cours des dernières années, PUI s’est concentré sur la mise en œuvre d’une approche de protection pour les populations directement exposées aux violations des droits de l’homme et du Droit International Humanitaire.

PUI met en place 1.des activités auprès des victimes des attaques de colons via un système d’alerte à base communautaire, 2. une réponse d’urgence, 3. des actions de plaidoyer. Les équipes accompagnent notamment les fermiers dans les zones d’accès restreints afin qu’ils maintiennent leurs activités agricoles. L’ONG a par ailleurs contribué au renforcement des activités socio-économiques des femmes.

Quels sont les aspects des actions de CSF qui ont attiré votre attention, au regard de vos missions humanitaires et dans le contexte particulier des territoires palestiniens ? 

Dans un contexte aussi particulier, une approche intégrée est nécessaire pour permettre une réponse humanitaire efficace aux diverses vulnérabilités chroniques qui affectent les populations et dégradent leur capacité de résilience. Cette approche multisectorielle comprend bien évidemment le droit à l’enfance, cher à CSF. Pour ces enfants plongés trop vite dans un environnement fait de violence, d’intimidation, et d’enfermement, le rire est un moyen de laisser échapper les souffrances. Les besoins humanitaires ne sont pas toujours matériels. Que soit en RDC où j’ai effectué ma dernière mission, où en Palestine, le constat est le même: le stade de l’enfance est repoussé dans des frontières bien exiguës. La souffrance, les inégalités de traitement, bouleversent le bien-être de jeunes personnes qui confrontés à des drames, sont obligées de grandir pour résister.

Comment est-ce que ce projet résonne avec les enjeux et les besoins des communautés palestiniennes ?

S’il est relativement simple de quantifier les conséquences physiques de la violence des colons envers les Palestiniens, ce n’est pas le cas pour les impacts sur la santé mentale et le bien-être psychosocial. Le contexte de violence dans lequel vivent les communautés de Naplouse a un impact sur le bien-être psychosocial et la santé mentale des populations, même lorsqu’elles ne sont pas directement touchées par les incidents graves. Un état de stress aigu semble être devenu la norme qui engendre des sentiments de peur et d’insécurité constants, des problèmes de dépression et des troubles du comportement, des troubles de l’alimentation et du sommeil (surtout chez les enfants). Ces symptômes entraînent de l’agressivité, un retrait social, et une détérioration des résultats scolaires pour les enfants. Cet enjeu de dignité humaine a été la pierre angulaire de la mission de CSF pour qui l’accès à la culture et à l’art est un facteur d’émancipation qui participe au renforcement des capacités de résilience des populations vulnérables.

Que retenez-vous du partenariat avec CSF ?

Je retiens d’abord une collaboration de qualité qui a permis la mise en place d’actions pertinentes à destination des populations en souffrance. Plus encore, je retiens l’adhésion très forte des communautés d’As-Sawiya et Al Lubban Ash Sharqiya le jour de la représentation avec une foule curieuse, attentive et des enfants qui ont saisi cette opportunité que vous leur avez donnés de s’exprimer. S’exprimer autrement, pour s’évader le temps d’un spectacle et briser les murs de l’occupation le temps d’un rire. Les autorités des deux villages ont d’ailleurs exprimé leur accord très rapidement pour la mise en place du spectacle et leurs retours ont été très positifs.

Retrouvez les photos de la mission dans les Territoires Palestiniens en 2018

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