Depuis le 6 octobre 2022, Clowns Sans Frontières France intervient au centre d’hébergement d’urgence « La Pépinière » à Saint-Maur-des-Fossés. Ce nouveau projet, en partenariat avec Emmaüs Solidarité, s’inscrit dans notre volonté de développer nos actions sur tout le territoire français.
Les familles en situation d’exil qui sont à la recherche d’un hébergement en Île-de-France se voient confrontées à l’engorgement des dispositifs existants. En 2022, ce sont près de 42000 enfants qui sont sans domicile en France, dont un grand nombre en situation d’exil.
La Pépinière, un centre d’hébergement d’urgence géré par Emmaüs Solidarité
Ouvert en mai 2021, ce centre d’hébergement d’urgence (CHU) est situé sur l’ancien site de l’Observatoire de l’Institut du Globe. Il permet la réhabilitation de ces locaux de recherche, inoccupés depuis une dizaine d’année, en un lieu d’accueil inconditionnel. Géré par Emmaüs Solidarité, ce CHU assure une prise en charge immédiate, anonyme et gratuite à des personnes orientées par le Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation (SIAO 115). Plusieurs personnes y sont hébergées temporairement, et bénéficient d’accompagnement dans leurs démarches (accès au droits, recherche d’un logement ou d’une structure d’insertion) jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée.
La Pépinière dispose d’une capacité de 150 places, et accueille environ 60 familles monoparentales et leurs enfants âgés de 0 à 3 ans, ainsi que 20 femmes isolées.
Quelles activités sont proposées par Clowns Sans Frontières ?
Ce nouveau projet s’inscrit dans le cadre d’un partenariat depuis plusieurs années avec l’association Emmaüs Solidarité. En 2022, nous sommes également intervenus auprès d’enfants au Centre d’Hébergement d’Urgence pour Migrants d’Ivry-sur-Seine.
Cette action est l’une des rares mise en place par Clowns Sans Frontières qui s’adresse aux enfants en bas âge (entre 0 et 3 ans) ainsi qu’à leurs mamans, en situation de grande précarité et pour la majorité en situation d’exil également. Les parents en situation d’exil ont bien souvent des difficultés à être parents. Le psychiatre Nicolas Méryglod parle de « parentalité suspendue », cette parentalité qui devient précarisée. Les parents se retrouvent alors dans l’impossibilité de transmettre codes culturels, valeurs, histoires familiales, et tout ce qui constitue le bagage que le parent lègue généralement à son enfant.
Deux artistes, Marianne et Steffi, proposent des déambulations musicales dans le centre d’hébergement, plusieurs après-midis par mois. Accompagnés par des salarié·e·s d’Emmaüs Solidarité, elles vont à la rencontre des femmes hébergées et leur chantent une chanson, dans leur langue maternelle, sur le pas de leur porte de chambre. La musique, le chant et la danse permettent aux femmes de se reconnecter avec des souvenirs de leur vie passée. Plusieurs femmes ont d’ailleurs partagé des chansons de leur pays natal avec les artistes. Ces dernières les ont apprises et leur ont chanté à la déambulation suivante. Ces moments leur permettent également de vivre une parenthèse de bonheur avec leurs enfants dans leur vie faite d’incertitudes. Ces derniers sont très intrigués par la présence des deux artistes, et certains d’entre eux se sont même essayés à la guitare.
Au fur et à mesure de leurs déambulations, Marianne et Steffi ont réussi à construire une relation de confiance avec les mamans qui les reconnaissent et sont impressionnées par leur répertoire musical qui compte plus de 50 chansons en différentes langues du monde. De plus, les temps collectifs informels de chant, qui ont lieu vers le réfectoire, permettent aux femmes hébergées de partager leur culture et de créer des liens avec les autres, de vivre ensemble une bulle de répit bien nécessaire suite aux traumatismes qu’elles peuvent avoir subis (violence conjugale ou sur le chemin de l’exil, par exemple). Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs exprimé le souhait de monter une chorale !
En outre, Marianne et Steffie chantent aussi, quand elles en ont l’occasion, pour les travailleurs sociaux du CHU car, eux aussi, ont besoin de ce moment suspendu pour prendre du recul face aux situations sociales des bénéficiaires qui peuvent les affecter.
Ce projet continue en janvier et se terminera avec une performance des artistes et des femmes hébergées qui chanteront les différentes chansons apprises au fil des déambulations.
Les artistes témoignent !
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Steffi
« La musique permet de ramener les femmes hébergées au moment présent. Le temps d'une chanson, juste de chanter, danser, rigoler… Un visage au départ fermé s’ouvre d’une seconde à l’autre.
C’est à chaque fois surprenant de constater, et beau à voir, que la musique et les chansons dans leur langue les ramènent au moment présent, que grâce à ces chansons, elles deviennent aussi auteure de la situation en chantant avec nous ou en se mettant à danser… Qu’elles éprouvent un réel plaisir, et que ce plaisir continue à vibrer après. Grâce à la musique, elles nous laissent entrer un petit moment dans leur espace où échange peut avoir lieu. Finalement, c’est un échange, ce sont des rencontres humaines, d’humains... » -
Marianne
« Chaque journée à La Pépinière est une bulle imprévisible de partages musicaux.
Surprenante, jaillissante, à chaque fois différente de celle qui a précédée et différente de celle qui va suivre. La fête voyageuse s’invite partout, couloirs, cuisine, salle à manger, parc.
Nous arrivons avec notre besace de chansons, sans savoir ce qui va se déclencher.
Que c’est bon, cette liberté !
Parfois les couloirs sont déserts, peuplés de poussettes, de chaussures et de pantoufles en chahut sur le pas des portes closes.
Soudain les portes s’ouvrent, une, deux, trois ! La vie puissante et gouailleuse nous submerge. Femmes, hommes, enfants, tout le monde se met à chanter, danser, taper des mains, rire et parler fort.
Quel bonheur ! »