Pour la première fois, Clowns Sans Frontières intervient à Mayotte, territoire d’outre-mer en proie à de nombreux défis sociaux et économiques. Du 6 au 24 novembre, une résidence artistique est proposée à des jeunes accompagnés par Apprentis d’Auteuil Mayotte dans le but de monter un spectacle.
En quoi consiste notre action ?
Pendant les 10 premiers jours, Clowns Sans Frontières organise une résidence artistique à Kani-Kéli. Elle est ouverte à 16 jeunes filles et garçons en situation de grande précarité, déscolarisés et âgés de 14 à 17 ans, issus de différentes communautés. Ces derniers sont accompagnés par Apprentis d’Auteuil Mayotte dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle. Les ateliers seront menés par Margot et Emmanuelle, deux comédiennes professionnelles de CSF, ainsi que Kris et Nawal, danseur et musicien basés à Mayotte. Ils aborderont différentes pratiques artistiques : théâtre, jeu de clown, danse urbaine et musique. Ces temps collectifs favoriseront le « vivre ensemble » et le sentiment d’appartenance à une même communauté.
Une sortie d’atelier, sous forme de spectacle, sera préparée tout au long de la résidence artistique avec les jeunes. Le spectacle sera présenté une première fois à Kani-Kéli, puis dans plusieurs lieux regroupant différentes communautés dont les jeunes sont issus, et dans les bidonvilles à Mamoudzou. Ces temps de représentations permettent notamment de valoriser le travail et de renforcer la confiance et l’estime de soi des participants. Gratuit et ouvert à tout public, ils favorisent l’accès à la culture des publics empêchés en allant au plus près des communautés.
Pendant tout le projet, plusieurs jeunes en formation chez Apprentis d’Auteuil Mayotte prendront des photos pour immortaliser les temps d’ateliers, de création du spectacle et les représentations. Ces photos feront l’objet d’une exposition itinérante à Mayotte et en métropole, pour valoriser le travail des jeunes et sensibiliser le grand public aux problématiques du racisme et de la discrimination.
Quel est le contexte à Mayotte ?
Mayotte est le département français le plus pauvre. Le niveau de vie médian des habitants y est sept fois plus faible qu’au niveau national. La moitié de la population a moins de 18 ans, et 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté national. Quatre logements sur dix sont en tôle et un tiers des familles n’a pas accès à l’eau courante.
Néanmoins, ce territoire fait office de puissance relative au sein de l’archipel des Comores avec un PIB supérieur de 10% au reste de l’archipel. En plus d’un taux de natalité élevé (en 2021, moyenne de 4,6 enfants par femme), l’archipel connaît une forte immigration. En 2017, 48 % de la population de Mayotte était de nationalité étrangère, dont 95% issues des Comores. Ce territoire est souvent en proie à des tensions et des violences importantes dans toute l’île. Par conséquent, les personnes d’origine comorienne subissent une précarisation et une ostracisation, même au sein des bidonvilles, où la cohabitation avec les Mahorais se fait de plus en plus difficile.
Mayotte compte de nombreux mineurs non accompagnés livrés à eux-mêmes, dont les parents ont été expulsés du territoire. Souvent leurs besoins primaires ne sont pas couverts : ils ne savent pas où dormir et ne mangent pas à leur faim. Beaucoup n’ont pas de statut légal sur l’île et peinent à s’insérer.
Pour les jeunes, l’école est très importante puisqu’elle représente l’unique chance d’ascension sociale. C’est également un lieu où ils sont en sécurité et où ils peuvent avoir un repas avec la collation du matin. Cependant, il manque beaucoup de places, ce qui a pour conséquence la non-scolarisation de 5 000 à 10 000 mineurs. Certains vivent dans la rue et commettent des agressions et vols pour survivre et d’autres sont en situation de poly-addiction, ce qui rend leur insertion compliquée.
Parmi ceux qui ont pu avoir une scolarité, de nombreux jeunes étant en situation irrégulière ne peuvent pas continuer leurs études supérieures. Ils sont bloqués dans leur parcours et se découragent d’avoir peu de choix pour leur avenir. Ils sont relégués à la marge et subissent des exclusions en chaîne qu’ils expérimentent comme autant de violences individuelles et collectives.
Ces dernières années, on observe un phénomène inquiétant de violence entre les jeunes de différents quartiers. Par conséquent, les jeunes des quartiers prioritaires sont stigmatisés. Un amalgame se crée au sein de la population entre migration et violence.
A visionner : Mayotte, l’enfance en danger, France 0 (2019)
A ces enjeux sociaux et économiques s’ajoutent les vulnérabilités de Mayotte face aux effets du changement climatique. Entre 2005 et 2015, les météorologues de Mayotte relevaient une hausse de température de 1,5% sur l’île, et une élévation du niveau marin de 5 cm sur la même période.
Mayotte est actuellement touchée par une grande pénurie d’eau. Si cette dernière est dûe à la forte sécheresse qui frappe l’île, elle est aussi la conséquence d’autres problématiques.
En effet, si la situation est aussi critique à Mayotte c’est aussi en raison du manque d’investissement en infrastructures par l’Etat depuis des années. Cela fait vingt ans que les habitants attendent une troisième retenue collinaire. Résultat, les infrastructures de production et d’approvisionnement d’eau sont insuffisantes alors même que le besoin en eau croît rapidement. A cela s’ajoute la corruption au sein du syndicat des eaux. Une enquête est actuellement en cours pour délit de favoritisme, détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt, suite à la détection de nombreuses irrégularités. Tous ces problèmes contribuent à empirer la situation.
Save the date !
Une équipe de journalistes suit le projet, du départ aux premières représentations, pour l’émission Arte Regards. A visionner début 2024 !
Un grand merci !
Clowns Sans Frontières remercie tous les partenaires opérationnels et financiers de ce projet : Apprentis d’Auteuil, Gite Villa Ravoay / Les Contes de Kakabimassou, Petite Terre – Communauté de communes, Cité éducative Petite-Terre, ANCT Cités éducatives, Uwezo, La Cimade, Ministère de la culture, Fondation Georges Hourdin, DAC de Mayotte, Préfecture de Mayotte, Fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels pour les outre-mer.