Du 28 novembre au 12 décembre 2021, Clowns Sans Frontières et les musiciens du groupe Telofangady ont organisé le premier volet d’un nouveau projet à Madagascar. Ce projet est mené en partenariat avec le réseau MAD’AIDS, les structures locales d’accompagnement des personnes en situation de précarité, ainsi que la Direction de l’Humanisation de la Détention et de la Préparation à la Réinsertion Sociale du Ministère de la justice. Il est également soutenu par le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France à Madagascar.
Du fait de la situation sanitaire, le projet initial a été repensé en deux volets entre fin 2021 et fin 2022. Une phase de préparation des spectacles s’est d’abord déroulée du 15 septembre au 27 novembre permettant à l’équipe d’appréhender le contexte et les enjeux locaux. Durant le premier volet qui a eu lieu en décembre, l’équipe de CSF et les artistes présents sur place se sont réunis en visioconférence afin d’organiser les différentes interventions. Un deuxième volet devrait réunir les artistes malagasy et français (si le contexte sanitaire le permet) pour une tournée collective en novembre 2022 !
CSF souhaite pérenniser les liens avec les acteurs institutionnels et de terrain, afin d’affiner les collaborations et le mode d’intervention et avoir un réel effet levier de long terme sur l’accompagnement psychosocial.
Le premier volet en chiffres
- 16 représentations accueillies par des structures locales (notamment les prisons d’Antsirabe, Ambositra, Fianarantsoa et Antananarivo, la léprosie de Marana, les ONG Manda, Vozama, Graines de bitumes, OSCAPE, des associations du Réseau Sahaza, etc.)
- 4846 bénéficiaires directs (enfants, jeunes et adultes confondus)
- 80 travailleurs sociaux sensibilisés à la médiation artistique comme outil d’accompagnement psychosocial
Un spectacle pour mettre les émotions en musique
Au travers de plusieurs chansons participatives, les artistes abordent avec leur public diverses thématiques, telles que la puissance de la peur (émotion accentuée par le contexte sanitaire actuel particulièrement anxiogène pour les plus vulnérables) mais également la solidarité et confiance. Les artistes invitent également les enfants à co-créer une chanson permettant de les sensibiliser à la force de la fraternité et à l’importance de la solidarité Malagasy. La musique devient alors un vecteur pour exprimer et partager des émotions, en valorisant les positives et en s’autorisant à extérioriser les plus négatives, dans un cadre sécurisé dans lequel chacun se sent écouté. Elle permet également de redonner espoir en créant un moment hors du temps et de partage par la communion des voix, et ainsi redonner de la force pour continuer à avancer malgré les difficultés.
« Les responsables des centres et les enfants ont reconnu qu’ils étaient stressés par la crise sanitaire. Ils ont apprécié que nos chansons permettent l’expression des émotions (Matahotra = peur) et qu’on les accompagne pour voir ce que tout cela peut apporter de positif » Témoignage d’Isabelle Marie, référente logistique à Madagascar
Faire venir le spectacle là où on ne l’attend plus
Ce projet s’inscrit au cœur de la mission de CSF qui se donne pour objectif d‘apporter le spectacle et l’art et le spectacle à celles et ceux qui en sont privés. Les artistes sont ainsi allés à la rencontre des détenus en centres pénitentiaires (enfants, jeunes, adultes, hommes et femmes) mais également auprès des malades atteints de la lèpre qui sont marginalisés et exclus de la société. Ils ont également présenté leur spectacle à des personnes handicapées ou auprès de jeunes des rues.
« Nous ressentons beaucoup de gratitude de la part de nos différents publics d’être venus jusqu’à eux. Et on a parfois du mal à nous arrêter et à partir à la fin du spectacle tellement les temps de chant et de danse sont chargés en émotions pour tous ». Témoignage de Christian, artiste du groupe Telofangady
Quelques images du dernier projet mené en 2019
Les actions de CSF à Madagascar
Présent à Madagascar depuis 2000, Clowns Sans Frontières jouit d’une bonne connaissance du terrain et de la confiance des acteurs locaux. Quelques interventions ponctuelles organisées notamment en 2019 auprès des mineurs dans les centres de rétention et les centres de rééducation ont permis de cibler les besoins les plus urgents, notamment sur les questions du rapport au corps et de la transmission des infections sexuellement transmissibles. De fait, les mineurs et adultes en situation de privation de liberté n’ont que trop peu accès à la vie culturelle et à la pratique artistique. Elles sont pourtant fondamentales pour enrichir la qualité de l’accompagnement psychosocial.
Clowns Sans Frontières a pour objectif d’apporter un soutien moral et émotionnel direct aux enfants et aux adultes en situation de vulnérabilité et d’appuyer ses partenaires locaux grâce aux techniques de médiation artistique, afin de favoriser leur autonomie dans le montage de projets similaires.
Contexte d’intervention : Madagascar
À Madagascar, les instabilités politiques depuis 1972, dont le coup d’Etat de 2009, ont affaibli le développement du pays. L’économie s’est effondrée, entraînant ainsi une situation de pauvreté extrême. D’après l’Agence Française de Développement (AFD), 90% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, soit un des revenus les plus bas au monde. De nombreuses familles, et particulièrement les enfants, se retrouvent livrés à eux-mêmes. Aujourd’hui, on dénombre près de 2,6 millions d’habitants en besoin d’assistance humanitaire.
Depuis mars 2020, la crise sanitaire a en outre entrainé une crise beaucoup plus sociale et économique que sanitaire venant décupler la situation de pauvreté. Les enfants les plus vulnérables en subissent directement l’impact étant obligés de travailler pour venir en aide à leur famille et trouver de quoi manger. Dans les lieux de détention surpeuplés, le covid s’est également répandu plus rapidement qu’ailleurs.
Par ailleurs, le changement climatique entraîne sécheresse, inondation et invasion d’insectes qui empêchent la population de vivre de l’agriculture locale. Depuis plus d’un an, Madagascar est en proie à la première famine directement liée au dérèglement climatique. D’après le directeur adjoint au Programme Alimentaire Mondial, “30 000 personnes souffrent désormais de la famine dans la moitié sud de l’île frappée par une sécheresse inédite depuis quarante ans, et plus de 1,3 million d’habitants souffrent de malnutrition aigüe”.